Recherches autour des stratégies alternatives de surveillance entomologique et lutte anti-vectorielle

Les Caraïbes font face depuis plus de 30 ans à des épidémies d’arboviroses récurrentes et de grande ampleur malgré les efforts effectués pour contrôler les moustiques vecteurs en cause. Le développement des stratégies de lutte anti-vectorielle innovantes et efficaces constitue donc une urgence. Dans un tel contexte le LECoV s’intéresse notamment (i) aux bactéries symbiotiques des Culicidés au vu de leur influence sur une multitude de traits physiologiques de ces insectes, et (ii) à la modification du comportement des moustiques suite à l’utilisation de signaux olfactifs comme alternative à l’utilisation massive d’insecticides. Modifier le comportement pour tuer massivement ou simplement réduire les interactions hôte – vecteur permettrait de limiter les risques d’infection.

  • Microbiote, compétence vectorielle et valeur sélective d’Aedes aegypti en Guadeloupe et Guyane française (projet AEGYPTERIA)

Ce projet s’intéresse à l’impact de la diversité microbienne et des caractéristiques physico-chimiques de gîtes larvaires d’Aedes aegypti sur la composition de la flore microbienne des moustiques adultes et leur capacité vectorielle (survie, fécondité, transmission d’arbovirus). La finalité est d’identifier des taxa bactériens naturellement présents dans les gîtes et pouvant être potentiellement utilisables dans une stratégie de contrôle des populations d’Ae. aegypti.

 

  • Caractérisation de phéromones à haut pouvoir attractant chez Aedes aegypti

A ce jour, la communication chimique intra-spécifique chez Aedes aegypti est très peu décrite, notamment pour les molécules impliquées dans son comportement d’accouplement. Ce projet vise à évaluer la possible utilisation d’odeurs attractives pour Ae. aegypti (i.e. phéromones) dans la lutte anti-vectorielle (LAV), afin de modifier le comportement des moustiques et réduire le risque de contact avec les populations humaines. Il s’agit d’identifier les odeurs émises par Ae. aegypti, d’estimer leur pouvoir attractant en laboratoire, et d’analyser l’impact attractif en conditions naturelles. Grâce à une collaboration avec le groupe « Functionnal Genomics and Proteomics, Chemical Ecology » du High Tech Research Institute de l’Academie d’Agriculture de Jinan, Shandong (Chine), et le Laboratoire d’Ecologie chimique et Comportementale de la faculté Gembloux Agro-Bio Tech (Belgique), nous avons pu identifier un panel de composés organiques pouvant jouer un rôle potentiel de phéromone. Des analyses supplémentaires sont actuellement en cours à l’Institut Pasteur de Guadeloupe pour compléter la liste de ces composés.
Parmi les composés identifiés précédemment, et certains ont induit lors de tests en laboratoire une stimulation de la ponte chez les femelles Ae. aegypti. Les composés d’intérêt sont actuellement testés dans des conditions semi-contrôlées dans des serres expérimentales en collaboration avec l’Inrae (Campus de Duclos, Prise d’eau, Guadeloupe) afin de valider leur potentiel. Par ailleurs, la construction récente d’un olfactomètre en Y à l’Institut Pasteur de Guadeloupe permet de mesurer l’attraction de ces odeurs vis-à-vis de moustiques et le développement d’une station d’écologie chimique pour la capture et la caractérisation des composés organiques volatils émis par les moustiques.

Institut Pasteur – Guadeloupe / Photo : Denis Guyenon / The Pulses – www.thepulses.com +33 7 68 25 90 84

  • L’infection par des arbovirus peut-elle moduler les préférences des moustiques vis-à-vis des sites d’oviposition ?

Des études de comportement en laboratoire P3 ont été réalisées et sont actuellement en cours d’analyse afin d’évaluer l’effet de l’infection par le chikungunya sur les préférences de ponte des femelles Ae. aegypti. Cette étude pourrait permettre de mieux comprendre les facteurs pouvant moduler le choix des sites de ponte chez les femelles, et aider à développer des pièges basés sur les odeurs qui ciblent les femelles les plus importantes d’un point de vue épidémiologique.

  • Les sargasses pourraient-elles aider à lutter contre les moustiques vecteurs?

Des travaux initiés en 2019 au sein de l’institut ont permis de démontrer que les extraits de sargasses présentent un caractère répulsif pour la ponte des moustiques de l’espèce Ae. aegypti. Des travaux sont donc actuellement en cours, en avec partenariat le laboratoire COVACHIM de l’Université des Antilles, afin d’étudier le potentiel global des sargasses à être intégré dans la lutte contre les moustiques vecteurs. Pour cela, des études de toxicité sont réalisées sur les larves et les adultes, ainsi que des études de répulsivité, et ce à différents stades de vie des moustiques : lors du repas sanguin, lors de la ponte … Par ailleurs, une analyse chimique est actuellement en cours afin de caractériser les composés chimiques bioactifs présents dans les extraits de sargasses. Ces travaux pourraient permettre à la fois de valoriser les sargasses d’une manière durable, ainsi que de proposer des méthodes de lutte naturelles contre les moustiques.